SNALC

Lettre au professeur de latin de ma fille

Je vous appellerai Mme L.

Depuis deux ans vous êtes le professeur de ma fille. En sixième vous lui enseigniez le français, en cinquième le latin. Avec fougue, avec passion, on sentait que là était votre vie. Je me souviens qu’il était difficile de vous voir, jeune, habitée par une flamme, sans être subjugué.

Hier soir se tenait la réunion parents-professeurs. Nous parlions entre parents quand vous êtes entrée, hésitante. « Ah, vous parlez de la réforme du collège, je ne m’exprimerai pas par devoir de réserve » avez-vous dit. Puis quelques mots sur l’année en cours, quelques mots seulement vous qui parliez beaucoup auparavant. Puis « C’est la dernière année où vos enfants font du latin, j’espère qu’ils en profiteront. » Et vous êtes sortie.

Pardonnez-moi, Mme L. : je vous ai trouvée moins belle. J’ai cru, mais ai-je bien vu ?, que votre apparence était imperceptiblement moins soignée qu’à l’accoutumée. La flamme avait disparu, votre visage était assombri et votre sourire, bien pauvre. En vérité, Mme L., vous vous êtes sauvée le plus vite possible de la salle de classe. Vous avez fui, pour ne pas parler d’une réforme qui vous a brisé le cœur.

J’irai manifester aujourd’hui pour d’excellentes raisons : pour l’avenir de nos enfants, privés d’une culture à laquelle ils ont pourtant droit.
En débouchant du métro à Port-Royal, je penserai à vous.

Un parent d'élève.