SNALC

Le socle, les compétences et Pronote

A l’heure des conseils pédagogiques, conseils de classe et autres réjouissances du métier d’enseignant, méfiez-vous justement de ceux qui sont de mauvais conseil.

En effet, nombre de chefs d’établissement zélés veulent faire cocher des compétences de toutes sortes aux collègues. Ils leur demandent ainsi d’évaluer les élèves par compétences sur Pronote ou tout autre logiciel. Précisons ici que Pronote, qui se présente comme un « logiciel de gestion de vie scolaire », est un logiciel privé et payant. Qui paie ? Le collège (et donc indirectement le conseil départemental). Et comme tout service payant, il répond aux besoins ou aux lubies de ses clients.

Pronote n’a donc aucune valeur règlementaire
: si des collègues veulent utiliser ces fonctionnalités, ils le peuvent, mais s'ils ne le souhaitent pas, on ne peut pas leur imposer.

On peut ainsi y trouver « les cinq grands domaines de formation qui définissent les grands enjeux de formation durant la scolarité obligatoire » tels qu’ils sont mentionnés dans le décret n°2015-372 du 31 mars 2015 paru au Journal officiel du 02/04/2015 concernant le socle commun de connaissances, de compétences et de culture :
http://eduscol.education.fr/cid86943/le-socle-commun.html

1. Les langages pour penser et communiquer.
2. Les méthodes et outils pour apprendre.
3. La formation de la personne et du citoyen.
4. Les systèmes naturels et les systèmes techniques.
5. Les représentations du monde et de l’activité humaine.

Le premier des cinq domaines comprend lui-même quatre composantes :
1. la langue française à l'écrit et à l'oral ;
2. une langue étrangère et, le cas échéant, une langue régionale (ou une deuxième langue étrangère) ;
3. les langages mathématiques, scientifiques et informatiques ;
4. les langages des arts et du corps.

Sur Eduscol, c’est clair : « Ce sont donc au total 8 composantes du socle commun (les 4 objectifs du premier domaine et les 4 autres domaines) pour lesquelles l'élève devra acquérir un niveau de maîtrise suffisant. »

Ce sont donc ces 8 composantes que l’enseignant devra évaluer et rien d’autre. Précisons que ces composantes sont à valider en fin de cycle 3 et 4, c’est-à-dire en fin de sixième et en fin de troisième, et à mentionner, si on le souhaite, dans les pieds de bulletins uniquement des nouveaux livrets :


http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=97270


"les bilans périodiques [...] comportent au moins : 1. un bilan de l'acquisition des connaissances et des compétences et des conseils pour progresser". 2. Un suivi des acquis scolaires de l'élève qui mentionne pour chaque enseignement..., les principaux éléments du programme..., les acquisitions progrès et difficultés éventuelles, la note de l'élève ou tout autre positionnement..." La mention descompétences ne figure que pour ce qui correspond à l'appréciation générale « bilan » et elle est reliée au mot « connaissances ».

Prenons l’exemple d’un professeur de Lettres. Il trouve sur Pronote les huit domaines évoqués ci-dessus. Quand il clique sur le domaine nommé D1.1 « Langue française à l’oral et à l’écrit », il tombe sur les compétences suivantes :
- Parler/communiquer/écouter
- Lire
- Ecrire
- Utiliser les règles de la langue
- Recourir à la lecture et à l’écriture
- Apprendre l’origine et l’évolution de la langue française

Il serait pertinent de s’arrêter sur le choix de ces compétences. Quelle est la différence entre « Recourir à la lecture et à l’écriture » et les compétences « Lire » et « Ecrire » ? La compétence « Apprendre origine et évolution de la langue française » n’a-t-elle pas comme dessein d’aider les détracteurs du latin et du grec (renommés LCA) en les supprimant entièrement via la discipline Français ?

Plus loin sur Pronote, si ce même collègue veut évaluer d’autres domaines comme « Les méthodes et outils pour apprendre », il a l’embarras du choix. En effet, il trouvera 3 sous domaines ou compétences : « Organisation du travail personnel », « Coopération et réalisation de projets », « Médias, démarches de recherche et de traitement de l’information », eux-mêmes subdivisés en 13 sous-sous compétences. On évitera ici l’énumération laborieuse mais on notera tout de même que nos élèves seront bien formatés pour le monde de l’entreprise : « Travailler en équipe », « Gérer un projet »…

Toujours ce même collègue, s’il le souhaite, peut évaluer le domaine « La formation de la personne et du citoyen ». Là encore, il aura la possibilité de valider 3 sous domaines et 13 sous-sous domaines ou compétences comme « Faire preuve de bienveillance » ou « Comprendre et discuter les choix moraux »...

Avec Pronote, on arrive déjà à un total de 32 compétences pour 3 grands domaines du socle sur 8.
Le niveau d’acquisition des compétences est d’ailleurs le suivant : non acquis / en cours d’acquisition / acquis / expert. On ne reviendra pas sur le flou de ces niveaux d’acquisition. On remarquera cependant qu’avec ce système, l’élève a une chance (ou un risque) sur quatre d’avoir « non acquis », on voit bien ici l’étendue de la bienveillance qui inspire les réformes actuelles.

Si notre collègue de Lettres est consciencieux, il a dû également aller lire les compétences du nouveau programme de Français. Il y a alors trouvé 5 grands domaines :

- Comprendre et s’exprimer à l’oral
- Lire
- Ecrire
- Comprendre le fonctionnement de la langue
- Acquérir des éléments de culture littéraire et artistique

Ces compétences sont elles-mêmes sous divisées en 18 sous compétences qui sont bien évidemment différentes de celles de Pronote, sans parler des compétences transversales comme celles sur les méthodes pour apprendre ou sur la formation du citoyen.


Pour résumer, doit-on faire travailler nos élèves en compétences et si oui, lesquelles traiter ? Que l’on travaille via Pronote ou via les programmes, doit-on toutes les travailler ?


Pour plus d’informations, nous vous renvoyons à l’article du SNALC National sur le LSUN :
« Les bulletins du LSUN n’incluent pas de positionnement par compétences, qu’elles soient disciplinaires ou transdisciplinaires. »
« Toute demande de remplissage de « bulletins de compétences » est hors du cadre réglementaire »
« Remplir le bilan de fin de cycle est une démarche collective. Cette démarche n’implique pas de mettre en œuvre des évaluations par compétences. On peut aisément s’appuyer sur les bulletins de l’élève. Il n’existe aujourd’hui aucune liste officielle de « compétences du socle », aucun « livret de compétences ».
« Rien dans le LSU ne justifie d’imposer une évaluation par compétences, ni de remplir des grilles de compétences dans votre ENT ».

Angélique Adamik