La Cup Song : la solution à Pisa !
A l’heure des derniers résultats de Pisa qui classe la France à la vingt cinquième place des pays le l’OCDE, un nouveau phénomène sévit dans les établissements scolaires : la cup song.
Alors qu’enseignants et élèves français sont la risée de leurs concitoyens et des pays qui obtiennent de bien meilleurs résultats, certains ont décidé de foncer encore plus vite dans le mur et cette fois en klaxonnant.
Ceux qui ne connaissent pas encore ce phénomène au sommet de la démagogie, pourront consulter le nombre grandissant de chorégraphies sur internet. Le but du jeu étant d’avoir le maximum de participants : élèves du primaire au lycée, enseignants, CPE, chefs d’établissements... (bientôt peut-être inspecteurs et recteurs).
Le projet s’inspire de la chanson When I’m gone de l'actrice américaine Anna Kendrick dans le film The Hit Girls. Les participants disposent pour seul instrument d'un gobelet en plastique avec lequel ils battent le rythme. Chacun doit passer son gobelet au voisin formant ainsi une longue chaîne humaine.
Certains vous diront que ce projet de cup song (la chanson du gobelet, quel noble titre…) est légitime car « l’idée vient de l’inspection académique » comme nous l’écrit Le Figaro[1], qui cite un collègue en poste au collège ZEP Michel Bégon de Blois. Effectivement dès qu’il s’agit de plaire à sa hiérarchie, certains sont prêts à relever tous les défis. Après tout, le ridicule ne tue pas.
D’autres justifient ce projet comme fédérateur et constructeur d’une identité collégienne : « la fierté évidente et méritée des élèves de 3ème d’avoir mené à bien un projet audacieux, l’adhésion collective à une initiative, le respect réciproque entre élèves et enseignants, l’image positive véhiculée par la vidéo, mais aussi et surtout, la construction d’une certaine identité collégienne, de l’appartenance à un groupe, qui sont autant d’étapes cruciales dans le déroulement de la scolarité de nos jours. » écrit-on sur le bulletin d’actualités de l’académie de Rennes[2]. Que de belles paroles et de bonnes intentions !
Cependant le citoyen lambda qui lit ces quelques lignes, est en droit de s’interroger sur le fait que des troisièmes, qui ont un brevet et une orientation en lycée à préparer, aient le temps de préparer un tel projet.
Ce même citoyen aura bien évidemment lu un peu plus tôt que : « Pendant 6 semaines, entre la Toussaint et Noël, la cup song a fait partie du quotidien du collège. En classe de musique et d’anglais, mais aussi en dehors des cours, sur le temps libre des élèves et des enseignants, (sur l’heure du déjeuner et certaines heures de permanence), le projet a pris forme ». Ces élèves de troisième n’auraient-ils pas une épreuve d’Histoire des arts à passer au brevet ? A moins que la cup song ne fasse partie intégrante du patrimoine culturel que tout collégien doit connaître pour être armé au lycée et dans la vie en général, auquel cas notre citoyen lambda a eu tort d’être interpellé par ces quelques lignes.
A la fin de l’article du Figaro, le collègue de Blois précise que ce projet « est assez ludique ». Malheureusement d’autres collégiens dans d’autres collèges moins « ludiques » travailleront textes d’auteurs, Thalès et Pythagore ou montée du fascisme en Europe… Mais ceux-ci ne seront pas félicités par le rectorat.
Une fois de plus, l’Ecole française a tout compris ! On veut que les enseignants assurent plus d’heures devant élèves, qu’ils aient moins de vacances mais quand dira-t-on que ce n’est pas la quantité des enseignements qui compte mais leur qualité ?
A l’heure où les tensions grandissent dans de nombreux établissements suite aux annonces de diminution de DHG, il serait temps que le bon sens soit à l’ordre du jour et que les heures de cours servent à faire cours. Certaines options comme le latin ou le grec sont supprimées mais des HSE sont distribuées aux collègues travaillant sur ce type de projet et on est prêt à consacrer des journées de solidarité afin de peaufiner le spectacle. Alors à quand l’option cup song au bac ?
Enfin, Pisa dénonce un système inégalitaire où l’écart entre élèves performants et faibles se creuse. Pourquoi donc ce type de projet est-il fait en priorité dans les ZEP ? Peut-être parce qu’il permet, pendant le temps d’une chanson, d’avoir ses élèves assis, ne bavardant pas et tous concentrés sur la même activité. Il faut dire que ceci relève de l’impossible dans certaines classes…
Angélique ADAMIK, Enseignante en ZEP…
[1] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/01/17/01016-20140117ARTFIG00375-le-phenomene-cup-song-gagne-les-colleges-francais.php
[2] http://www.ac-rennes.fr/jahia/Jahia/site/academie2/accueil/pid/19479?entryId=91455