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Le confinement, bain révélateur des profs «décrocheurs»

Jeudi 30 avril, on a pu lire dans Le Figaro un article avec ce titre racoleur voire provocateur[1]. Le contenu est à la hauteur du titre avec un parti pris qui ne fait pas honneur aux journalistes.

En effet après une première partie qui revient rapidement sur l’investissement et la fatigue des enseignants, on arrive vite au procès des mauvais profs. Et par mauvais profs on entend ceux qui ne sont pas des pros de l’informatique et du numérique. On peut lire ainsi que les parents se plaignent « du décrochage numérique de certains enseignants. Ils font face à une grande hétérogénéité des cours et des devoirs envoyés », « habituellement éloignés de « la boîte noire » qu’est la salle de classe, [les parents] sont en cette période plus à même de juger en quoi consiste le travail quotidien des professeurs ». On voit bien ici comment les parents se sont drapés dans la fonction de juge sans aucune légitimité car non professionnels de l’éducation.

Mais lorsque la journaliste donne la parole aux personnels de l’éducation, là aussi le choix est orienté. Philippe Tournier, présenté comme proviseur au lycée Victor Duruy à Paris 7e, n’est autre que le secrétaire général du SNPDEN[2], grand partisan de l’autonomie des établissements. Il « estime que l’enseignement numérique a un « effet loupe » sur les différences entre les enseignants. C’est parfois cruel » (sic).

Enfin la dernière intervenante est une formatrice[3]… En creusant on découvre qu’elle a « 24 ans d'expérience au sein et hors de l'Éducation nationale » (sic), qu’elle est « membre de l'équipe de rédaction de la Revue de presse des Cahiers pédagogiques », a travaillé avec P. Meirieu et qu’elle est « passionnée par les usages des nouvelles technologies ». Cette dernière déplore ainsi, sans surprise, que les classes virtuelles « sont loin d’être utilisées par tous les enseignants ».

Je ne reviendrai pas sur la classe virtuelle ni sur le fait que les enseignants travaillent avec un matériel non fourni par l’employeur[4].

Ce qui interpelle ici est le raccourci qui présente l’enseignant expert en informatique et en numérique comme le bon professeur.

Comment peut-on comparer le cours en distanciel au cours en présentiel ? Ce n’est pas parce que l'on est très investi en virtuel que l’on est meilleur en réel et inversement. Le « geek » compétent est peut-être incompétent en gestion de classe, colonne vertébrale de notre métier. Être seul face à son ordinateur est autrement moins compliqué que d’être dans la fosse aux lions, la fameuse « boîte noire » évoquée plus haut.

Les enseignants français n’ont pas été recrutés pour ce type de tâches (ni formés ni équipés).

Faire classe aujourd’hui et assurer « un climat propice aux apprentissages »[5], relève de l’exploit entre les effectifs, l’hétérogénéité et l’inclusion. Alors comparons ce qui est comparable !

Lorsque l’on voit l’attractivité du métier d’enseignant ainsi que le nombre de candidats au concours, de démissions, de tels articles ne feront qu’accélérer l’hémorragie et les enseignants décrocheront cette fois pour de bon.                                                                                                      

                                                                                                                                                                    Angélique ADAMIK, SNALC-Versailles

 

[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-confinement-bain-revelateur-des-professeurs-decrocheurs-20200429

[2] syndicat national des personnels de direction de l’EN

[3] https://fr.linkedin.com/in/ostiane-mathon-b9027338

[4] http://www.snalc-versailles.fr/article/classe-virtuelle-bientot-nouvelle-obligation/

[5] voir grille PPCR