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Les sciences dites dures à l’épreuve du grand oral

Les élèves ayant choisi au grand oral les spécialités mathématiques et physique, sciences dites dures, sont confrontés à des difficultés particulières. A l'heure où l'on se plaint du manque de scientifiques, est-il raisonnable de décourager les candidats potentiels par une épreuve mal pensée ?

Le développement des spécialités mathématiques et physique, sciences dites dures, s'est systématiquement accompagné d'évolutions dans l'écriture et dans les notations utilisées. Le recours aux schémas et aux graphiques est souvent une nécessité, surtout pour poser un problème et le rendre intelligible.

Or les modalités de la première partie du grand oral où l'élève doit exposer la question qu'il a retenue sont particulièrement inadaptées aux mathématiques et à la physique, même avec les aménagements autorisés cette année.

En effet le candidat peut remettre au jury des notes rédigées pendant le temps de préparation, mais n’a pas la possibilité de construire, au tableau, un schéma ni une formule. Il ne peut donc montrer qu'une construction ou une démonstration achevées, sans illustrer les différentes étapes de la résolution du problème, ce qui rend sa prestation peu vivante.

En outre, le jury pouvant être composé d'un professeur de ces spécialités et d'un professeur sans lien avec ces dernières, le candidat est confronté au dilemme suivant : 

- soit il fait un exposé intelligible aux deux membres du jury, mais il sera forcément très superficiel et ne montrera pas le travail accompli ni les connaissances acquises au cours de l’année

- soit il entre pleinement dans son sujet au risque non seulement d’être incompris par le membre du jury non spécialiste mais aussi de ne pas capter toute l’attention de celui qui l’est, lequel écoutera le candidat tout en lisant les formules que ce dernier a rédigées pendant la préparation. Cela ne contribue pas vraiment à lancer la dynamique d’un oral.

Dans tous les cas, comme les collègues l’attestent, l'épreuve reste laborieuse et même éprouvante pour le candidat comme pour le jury, d'autant que certaines notions mathématiques sont très abstraites... mais néanmoins utiles, n'en déplaise à certains qui veulent toujours savoir "à quoi ça sert" ! La transcendance de pi, par exemple, montre que la quadrature du cercle est impossible. On a cherché pendant plusieurs millénaires à résoudre ce problème, mais il traduit une impossibilité !

Le grand oral exige des candidats en mathématiques et physique le recul d'un professeur chevronné pour qu’ils parviennent à vulgariser des notions abstraites.  Il leur impose en outre d'adopter une démarche contraire à celle qu'ils ont dû suivre dans l'enseignement de ces disciplines où ils s'appuient toujours sur un support écrit qu’ils complètent pendant leur exposé. Ces difficultés risquent d’en décourager plus d’un à choisir ces spécialités. Le ministère va-t-il enfin comprendre que l'utilisation du tableau est absolument nécessaire dès le début et que le jury ne peut se composer que de professeurs compétents dans les disciplines choisies ?

A l’image du grand oral, l'épreuve de mathématiques et de physique, reste floue et vide de sens. Elle est particulièrement redoutée pour les élèves sérieux qui perçoivent l'impossibilité de montrer clairement la qualité de leur travail. A l'heure où l'on se plaint du manque de scientifiques, est-il raisonnable de décourager les candidats potentiels par une épreuve mal pensée ?

 

Marie-Agnès DURO

Professeur agrégé de mathématiques

Lycée Dumont d’Urville à Maurepas