SNALC

Le Nouveau brevet : tout est dans tout...

...ou comment le Ministère entend développer l’esprit critique chez nos élèves.

A partir de cette année, le DNB est profondément changé (BO du 8 avril 2016).

Il y aura deux épreuves écrites. La première épreuve portera sur les programmes de mathématiques (2 heures), de sciences expérimentales et de technologie (1 heure) et sera sur 100 points.

La deuxième épreuve portera sur les programmes de français (3h), d'histoire-géographie-enseignement moral et civique EMC (2h) et sera également sur 100 points.

Cette deuxième épreuve se présentera ainsi :

Une thématique commune avec

• Une première partie (3 heures) consacrée aux compétences d’analyse et de compréhension de documents et de maîtrise de différents langages. Elle comprendra les exercices d’Histoire, de géographie, d’EMC et le texte de français avec ses questions.
• Une seconde partie (2 heures) dédiée à la maîtrise orthographique de la langue écrite et à la capacité de rédiger : dictée, exercice de réécriture et travail d'écriture d'invention ou de réflexion.

C’est avec stupeur et consternation que nos collègues de lettres ont alors découvert le sujet zéro de l’épreuve de français, Histoire et géographie et enseignement moral et civique pour la session 2017 du DNB.

Sujet zéro

Le sujet s’intitule: Epreuve de français, Histoire et géographie, enseignement moral et civique. La fin des disciplines amorcée par les EPI a bien sonné ! Quatre disciplines dans un même sujet !

L’exercice 1 de la partie I du sujet zéro s’intitule : « Analyser et comprendre des documents ». Il comporte une partie consacrée à l’Histoire avec un texte du programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944.

L’exercice 2 « Maîtriser différents langages pour raisonner et se repérer » concerne la géographie.

L’exercice 3 « Enseignement moral et civique » laisse perplexe. En effet, il porte sur un premier document, une pancarte : « La laïcité et le vivre ensemble » qui représente Marianne stylisée en fleur et annonce un débat qui aura lieu le 20 mai à 19h à Floirac en Gironde. On peut y lire également : « Animé par Ahmed ASFOR, militant assosiatif » et plus tard « Intervenant Ahmed SERRAJ, directeur Boulevard des potes ».
Indubitablement la faute d’orthographe dans un sujet d’examen nous a troublés. Nous sommes donc allés chercher si cette « assosiation» existait.

Association

Et quelle ne fut pas notre surprise de découvrir qu’elle existait et que son président était présenté comme « militant » d’un parti politique. Quant à M. ASFOR, il était « conseiller technique au Conseil Général de Gironde » (dirigé à l’époque par un membre de ce même parti).

Comment peut-on dans ces conditions oser parler de laïcité aux candidats du DNB ? Qu’est-ce que la laïcité a à voir avec la politique ? Comment peut-on apprendre aux élèves à juger par eux-mêmes en toute indépendance d’esprit ? Comment peut-on former des citoyens critiques et émancipés si les exercices des examens nationaux n’observent pas une stricte neutralité en portant une marque politique ?

Le paradoxe continue dans le document 2 de cet exercice où des extraits de la Charte de la laïcité à l’Ecole sont cités : « La laïcité garantit la liberté de conscience à tous », « La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’Ecole comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions ». Les concepteurs de ce sujet ont-ils bien lu ces lignes ?

La partie I.2 de l’épreuve intitulée « Humanités » concerne d’ailleurs très peu les humanités classiques (le latin et le grec pour qui ne s’en souviendrait pas) et bien plutôt l’humanitaire. Le texte donné aux élèves est un extrait d’un ouvrage de Maylis de Karangal : Naissance d’un pont. Le texte est illustré par une photographie de Fritz Mueller « Dubaï » où l’on voit des ouvriers se diriger en bleus de travail et en casques vers un chantier dont on peut apercevoir un gratte-ciel. Et voici la question qui porte sur le texte et l’image : « Quelles impressions suscite en vous cette photographie ? Sont-elles comparables à celles produites par le texte ? Pourquoi ? ». On induit ainsi, évidemment, chez les candidats une réponse reposant sur leur simple ressenti et non une réflexion construite à partir de leurs connaissances.

Enfin la partie II de l’épreuve porte sur la langue. Elle comporte une dictée, un exercice de réécriture et la rédaction nommée « Travail d’écriture ».

Ainsi le français est alternativement mis avec l’Histoire (texte et questions) ou isolé quand il s’agit de la langue. On sépare fond et forme alors que la mode est au décloisonnement : pédagogie de séquences, EPI…

Ce sujet zéro est donc un véritable un fourre-tout sans aucune substance intellectuelle. C’est ainsi que le Ministère entend apprendre à nos élèves à avoir des idées claires et à penser librement.