Classe virtuelle : bientôt une nouvelle obligation de service ?
La crise sanitaire que nous vivons a amené le confinement et par conséquent le télétravail afin d’assurer la continuité pédagogique. Cette dernière sert de prétexte à diverses expérimentations pédagogiques comme la classe virtuelle que certains voudraient imposer à tous.
Rappelons tout d’abord que chacun dispose encore de sa liberté pédagogique.[1]
L’autre argument pour refuser d’y participer est l’absence de matériel fourni par notre employeur. Pourquoi devrions-nous utiliser un outil à des fins professionnelles payé par nos propres moyens (ordinateur, web came, internet…) ?
Mais au-delà de ces arguments juridiques, nous ne sommes pas tous d’accord sur son utilité pédagogique car certains oublient l’hétérogénéité des élèves. La classe inversée par exemple, fonctionne avec un type d’élèves particulier : matures, autonomes, curieux et investis. C’est la même chose pour la classe virtuelle.
Enseignante en collège REP depuis 11 ans, j’ai constaté que la majorité de mes élèves avait déjà peiné à se connecter à l’ENT et à répondre aux messages de l’équipe enseignante. Quant au travail rendu, il est insuffisant.
Alors multiplier les supports pour ces élèves, est-ce vraiment judicieux ? Ce type d’enseignement n’est-il pas inégalitaire pour ceux qui ont un seul ordinateur voire smartphone à se partager avec la fratrie et les parents en télétravail ?
L’idée est noble sur le papier et pourrait servir à enseigner à distance aux élèves dans l’incapacité de se déplacer : malades, handicapés physiques lourds… mais en effectif réduit et avec des outils fournis par l’employeur. Encore faudrait-il que le matériel soit opérationnel et sécurisé face par exemple, aux attaques de « trolls »[2] que certains ont connues dernièrement.
Enfin cette pratique, si elle est acceptée et généralisée, sans contrepartie ni garde-fou, est la porte ouverte aux attaques répétées que connaît notre métier et à la refonte de nos obligations réglementaires de service au nom de la solidarité et du progrès.
Quoi qu’on en dise le cœur de notre métier est le présentiel et rien ne pourra remplacer le contact direct. Prenons donc garde où nous mettons les pieds ou bien il sera trop tard…
Angélique ADAMIK
[1] Article L912-1-1 du Code de l’éducation
[2] « En argot Internet, un troll caractérise un individu ou un comportement qui vise à générer des polémiques [..] on désigne sous le néologisme troller le fait de créer artificiellement une controverse qui focalise l'attention, aux dépens des échanges […] de la communauté » (Wikipédia).